La légende de Frajani
Frajani était la cadette d’une famille de huit enfants, et la seule fille. Un destin malheureux avait voulu que ses parents soient esclaves des Orques les plus féroces et les plus tyranniques que le Clan de la Montagne ait portés en son sein. Chaque journée était faite de labeurs et de basses besognes, récompensés par des coups et à peine de quoi se nourrir lorsque le soir venait. La mère de Frajani n’avait pas supporté la situation et avait fini par se laisser mourir. Ainsi, Frajani se retrouvait seule à devoir s’occuper à la fois du foyer des Orques dont ils étaient esclaves et de ses frères qui parfois ne la traitaient guère mieux. Sa famille était tenue à l’écart des autres Nains car le père du père de son père avait fui le camp Orque, abandonnant les siens à leur triste sort, et n’avait plus jamais donné de nouvelles. Elle n’en voulait à personne et ne se plaignait jamais. Mais elle rêvait, plus que tout autre, d’une vie meilleure, et comptait sur chaque jour pour qu’il soit le dernier de ce pénible calvaire. C’est ainsi qu’elle appelait de ses vœux la délivrance pour elle et pour les siens, à chaque instant de sa pauvre vie.
Un matin, qui semblait pourtant pareil à tous les autres, elle se réveilla après une longue nuit de sommeil très agitée avec un espoir nouveau. Un mot étrange résonnait dans son esprit … maphr … et plus étrange encore, à chaque fois qu’elle le prononçait, elle se sentait comme soulagée. Elle ne savait pas ce que ce mot voulait dire, mais elle croyait qu’il apporterait la solution qu’elle avait tant cherchée. Elle n’osa en parler à personne, mais le grava sur une tablette.
Lorsqu’elle rentra dans l’espace qui lui servait de logement, après une rude journée, elle sortit la tablette qu’elle avait gravée le matin même, espérant qu’à la lecture du mot, elle lui trouverait une signification. Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle constata que sous le mot « maphr », apparaissaient maintenant « Duraz », « Eokaz », et en dessous encore, le mot « Maraz » (le Tout). Elle crut qu’un de ses frères avait trouvé la tablette et avait voulu ainsi se moquer d’elle. Mais après les avoir interrogés l’un après l’autre, elle fut convaincue qu’ils n’y étaient pour rien. Elle plaça la tablette près de sa tête avant de s’endormir, pensant que la nuit lui porterait conseil.
Et effectivement, la nuit suivante apporta une réponse à ses interrogations. Elle reçut la visite d’une forme lumineuse dont semblait émaner une voix douce et forte à la fois, qui prononça ces quelques mots : « Je suis Maphr, la Terre Mère et la Pierre Père tout à la fois. Il est temps aujourd’hui pour moi de revenir vers mes enfants, c’est pourquoi je suis là. Frajani, je t’ai choisie pour porter ma voix vers ton peuple. Suis-moi et tu sauveras tes frères.»
Elle se réveilla très troublée. Mais chaque Nain qui la croisa ce jour là put voir que quelque chose avait changé en elle. Son regard était éclairé d’une lumière nouvelle et la frêle et effacée Frajani avait fait place à une jeune naine pleine d’assurance et de sagesse. Elle reçut maintes visites de celle qu’elle appela bientôt déesse, Maphr, la Déesse de la Terre, de la Pierre et du Tout et elle commença à dispenser ses enseignements à tous ceux qui voulaient l’écouter. C’est ainsi que Maphr se révéla enfin à ses Enfants, les Fils et Filles de la Terre, après tant d’années d’absence et de silence.